… et il m’a demandée en mariage.

22/12/2015

… et il m’a demandée en mariage.

J’étais en retard. Toujours Zaaa, putain j’ai deux montres et je suis en retard, encore. Je suis arrivée au resto en pétard, même pas eu le temps de me remaquiller. Assilou. Je me suis assise face à lui, complètement ailleurs. Il m’a posé une question, j’ai pas écouté, j’ai répondu n’importe quoi.

Pour rentrer dans ce restaurant « touristique » parce qu’il sert de l’alcool, il faut une carte de membre, que j’ai perdu il y a bien longtemps. Ou alors il faut donner sa carte d’identité et après c’est à la bonne volonté du gardien, qui la tourne dans tous les sens, comme si il y avait des hologrammes dessus. J’y viens tout le temps. Mais le gardien lui change tout le temps. Du coup il faut refaire le même cirque à chaque fois. Je crois qu’ils sont choisis avec option « très très con » parce qu’ils te regardent de travers et ils te demandent ce que tu viens faire.

En fait y a que deux possibilités : boire ou manger. Pardon y en a trois parce qu’il y a aussi boire et manger ensemble. ça implique de l’alcool. Donc je ne viens pas là pour faire du tricot, ni voir ma grand-mère, je viens là parce que je suis une dépravée qui s’assume, pas la peine d’en rajouter en me demandant si j’ai réservé, les serveurs me connaissent tellement bien qu’ils me serrent la main ( signe de virilité immense ) et des fois je viens même toute seule. Arrêtons là cette tentative de jugement moral, voilà, merci, bonne soirée.

Je m’assoies, je regarde cet homme avec qui j’ai rendez-vous. Mais je ne suis pas là. Il me parle et je réponds n’importe quoi. Alors il y a un silence. Je m’excuse : « Pardon là à ce moment de la journée je dit oui à tout. » Il a sourit, le con, et il a glissé : « Alors c’est le moment où je dois te demander de m’épouser. »

ça a fait comme dans les films. Tout c’est arrêté autour de moi, j’étais toute seule dans la lumière et les gens autour de moi étaient figés. Et j’avais la tête qui tournait.

J’avais envie de lui expliquer que je voulais être ailleurs. Genre que je voulais dîner avec lui dans un resto où personne ne nous connait, pouvoir me siffler une bouteille dans un bar avec lui sans que personne ne nous regarde, qu’il joue avec ma main, que l’on marche dans la rue sans peur, soûls d’avoir flirté et puis qu’il pose sa main sur le creux de mes reins, l’air de rien, qu’il profite d’un coin de rue et qu’il m’embrasse. J’avais envie de lui expliquer que j’ai besoin de spontanéité.

Que j’ai envie de tomber amoureuse de lui.

Alors que là j’avais l’impression qu’on est deux jeunes puceaux qui osent pas se regarder. Parce qu’ici pour une preuve d’amour tu te fais péter la gueule et tu risques la prison. Et moi j’aime pas les rats. Et puis même si j’ai envie de promiscuité, c’est pas avec n’importe qui !

Je l’ai regardé, j’ai rougi. Je me suis demandée si les mecs à la table à côté avait entendu. J’ai eu un peu honte. Ce mec plus vieux que moi. On est un stéréotype. Si ce n’était pas moi assise là, si je ne connaissais pas cet homme, sa sincérité, sa délicatesse, son éducation, je me dirais : tiens une jolie poule qui se fait draguer par un vieux blanc.

La Rue

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